Les skieurs de pentes raides Aurel Lardy, Vivian Bruchez et Jules Socié ont skié, à l'automne 2023, la voie Whillans-Cochrane, située en Patagonie : une pente inclinée à 60° au-dessus de 1 000 mètres de vide. Un exploit réalisé une seule fois avant eux.
"À la limite du raisonnable." Les mots du skieur Aurel Lardy sont bien choisis pour décrire sa descente de la voie Whillans-Cochrane, en Patagonie, avec ses compères de cordée Vivian Bruchez et Jules Socié. Un exploit vertigineux, réalisé à plus de 3 000 mètres d'altitude et au-dessus d'un immense vide, dévoilé dans le film Painting the mountain, sorti début février.
Le documentaire retrace l'expédition, à l'automne 2023, des trois skieurs de la vallée de Chamonix en terre argentine. Et plus précisément en Patagonie, dans le massif du Fitz Roy : "Après de multiples voyages un peu partout dans le monde, la Patagonie était devenue une suite logique pour nous trois. Là-bas, tout reste à faire en ski. Il n'y a pas vraiment de culture du ski, comme on peut en avoir dans les Alpes. Le massif est peu exploité et de nombreuses voies n'ont jamais été skiées", raconte Aurel Lardy, skieur de pentes raides.
"Les conditions sont une des raisons pour lesquelles le massif est inexploité. La Patagonie est proche du cap Horn, du bout du monde. Donc les conditions sont difficiles et on est souvent exposés à des forts vents. Les fenêtres météo sont très courtes et imprévisibles. Dans les Alpes, on peut prévoir l'arrivée du mauvais temps. Là-bas, c'est beaucoup plus compliqué." Face à ces conditions, le trio a dû renoncer à plusieurs reprises à certaines descentes.
Une voie jamais skiée depuis 2012
Mais les conditions étaient réunies pour la voie Whillans-Cochrane : une mince bande de neige, inclinée à 60° sur l'Aiguille Poincenot. Après un réveil sur les coups de 3 heures du matin, la cordée a pris la direction de cette ligne aussi esthétique qu'engagée, à flanc de falaise.
Avant eux, la voie n'avait été skiée qu'une seule fois par le Suédois Andreas Fransson : "C'était une voie qui m'avait marquée quand j'étais jeune. Lorsque j'ai vu Andreas Fransson y parvenir, c'était pour moi la ligne la plus ultime dans une vie de skieur", poursuit Aurel Lardy.
La descente, où la moindre erreur peut être fatale, a laissé des marques : "Ce qu'on a vécu là-bas, on ne l'a pas revécu depuis. Normalement, nous sommes toujours en contrôle dans une pente raide. C'est notre métier. Là, c'est la première fois que l'exposition au vide était à la limite du raisonnable. C'était quelque chose de très contrasté entre la beauté du paysage et cette force de la gravité qui t'amenait vers les glaciers et les lacs, situés 1 000 mètres en contrebas."
"J'avais tellement rêvé de cette descente, j'étais prêt pour ça", se souvient encore Aurel Lardy. Pour Vivian Bruchez, il s'agit de la "ligne la plus extrême au monde". "Pas complètement", nuance Aurel Lardy : "Au niveau de la technicité, ce n'est pas ce qu'il y a de plus dur. Mais au niveau du mental, on atteint des limites. D'autant plus qu'on skie sur un plaquage de neige qui recouvre des dalles de pierre. On ne sait pas vraiment où on met les pieds."
Au cours de son expédition en Patagonie, le trio a ouvert six nouvelles voies. De quoi laisser leurs empruntes dans ce territoire "où tout reste à découvrir".