Longtemps perçu comme un loisir de bar, la pratique des fléchettes séduit aujourd'hui de plus en plus de joueurs. Dans les Alpes du Nord, plusieurs clubs se sont créés ces dernières années. Les "darts" espèrent désormais être considérés comme un sport.
Son image est régulièrement associée à une bière ou un cocktail, car c'est peut-être dans un bar que vous y avez joué la première fois. Mais depuis plusieurs années, les fléchettes ne cessent de séduire et s'installent peu à peu comme une discipline à part entière, notamment dans les Alpes du Nord.
Dans certains bars, c’est devenu la fièvre de tous les soirs. Une cible et des fléchettes suffisent au bonheur des clients. Dans un établissement du Nord-Isère, les gérants ont mis à disposition ce jeu depuis plusieurs mois. Une initiative qui séduit les joueurs novices mais aussi les plus aguerris.
"On retrouve un peu cet esprit de compétition que l'on a entre nous, à toujours vouloir gagner, raconte Thomas, fléchette en main. Celui qui perd paye à boire !" Autour d'un verre, ce groupe de rugbymen se retrouve une fois par semaine devant la cible pour en découdre. Une tradition qui demeure dans une ambiance conviviale et festive.
Des bars aux clubs de fléchettes
Et à la sortie des bars, ils sont de plus en plus nombreux à pousser la porte des clubs de "darts", le nom des fléchettes en anglais. À Saint-Chef, dans le nord de l'Isère, une association a été créée en 2021 par un couple de passionnés.
Après avoir longtemps joué dans le garage familial, Johann Leborgne et sa compagne ont fait le choix d'ouvrir leur club. Au sein du gymnase communal, huit cibles ont été aménagées. Et toutes ont rapidement été prises d'assaut. En seulement quatre ans d'existence, le club "Saint-Chef Darts" compte déjà une cinquantaine d'adhérents.
Nicolas Dias s'est inscrit à la rentrée. Pour ses premiers entraînements, il avait fait l'acquisition d'un lot de fléchettes premier prix. Mais au bout de quelques semaines, il a rapidement changé d'équipement.
"Comme j'ai un lancer assez fort, il me faut quelque chose qui me permet de stabiliser la fléchette dans les airs pour éviter les zigzags", explique le dartiste. Ses darts ne pèsent pas moins de 25 grammes. Et pour trouver fléchette à sa main, Nicolas Dias a investi près de 400 euros dans son matériel.
Un circuit professionnel sous le feu des projecteurs
Cet amour pour les fléchettes semble donc avoir traversé la Manche. Nés en Angleterre au Moyen Âge, les darts enflamment les plus belles salles du Royaume-Uni et d'Europe chaque week-end grâce à des shows et des têtes d’affiche devenues des légendes. En France, les derniers Championnats du monde, conclus par le sacre de Luke Littler, ont été suivis par plus de 18 millions de téléspectateurs.
Pour surfer sur ce phénomène, la Fédération française des darts attend son agrément auprès du ministère des Sports et de la Jeunesse. Car pour ses pratiquants et ses défenseurs, il s'agit bel et bien d'une discipline sportive.
"Cela allie tout : le mental, la précision du joueur et le physique donc [...] cela demande autant de concentration et de précision que d'autres sports du même style tels que le tir à la carabine ou encore le tir à l'arc", affirme Johan Leborgne, président du club "Saint-Chef Darts" et vice-président du comité des Alpes.
Bientôt considéré comme un sport ?
En France, les compétitions de darts ne soulèvent pas encore les foules mais elles se multiplient. Estelle et sa fille Leïla sont désormais licenciées auprès de la fédération. Elles forment une paire et ont même remporté le premier trophée du club de Saint-Chef, il y a quelques semaines.
"Chacune a sa zone de prédilection", nous décrypte Estelle, expliquant qu'elle préfère viser la zone du 19 contrairement à sa fille qui cherche à scorer dans le 20. À travers les fléchettes, mère et fille partagent ainsi une même passion, un même "sport". "On se dépense finalement, même si c'est intellectuellement, on se dépense quand même", assure Leïla. "Ce n'est pas tant physique mais il y a de la compétition, des émotions, du stress...", complète sa mère Estelle.
Grâce à tous ces ingrédients, les fléchettes ont trouvé leur cœur de cible. Dans les Alpes du Nord, on dénombre au moins cinq clubs de darts. Et ses dartistes rêvent aujourd’hui d’une reconnaissance sportive, loin des bistrots qui leur collent à la peau.