David Moreau, ancien plombier de 53 ans, se reconvertit dans la vannerie. A peine les premières gammes du métier apprises qu'il remporte une médaille d’or aux Olympiades des métiers. Actuellement en formation à Fayl-Billot, il prépare un projet de micro-entreprise. Passionné et déterminé, il souhaite perfectionner son savoir-faire avant de se lancer. Portrait.
Le silence règne dans cet atelier. Seul le bruit des brins d’osier qui s’entrechoquent, un mélange de cliquetis secs et de crépitements, perturbe cette quiétude. Entre les mains robustes des vanniers, l’osier chante à un rythme régulier lorsqu’il se tord, se plie, et se serre. Pas une parole, uniquement de la concentration. Après tout, les trois apprentis vanniers, venus se former dans cet atelier de Charmoy – commune associée à Fayl-Billot, la capitale de la vannerie – ne sont pas en face de n’importe qui : Jean-Marc Blanchard, artisan vannier depuis 45 ans, élu meilleur ouvrier de France en 2018.
Tout en confectionnant son panier d’osier, David Moreau mesure la chance de recevoir les conseils d’un maître ouvrier pendant deux semaines. "Il est très exigeant mais ce n’est que du bonheur d’être ici", confie-t-il. "Ses conseils sont précieux pour obtenir un travail de qualité et de précision sur notre pièce." L’apprenti écoute, puis agit. En pleine reconversion professionnelle, il poursuit sa formation au sein de l’École nationale de vannerie et d’osiériculture à Fayl-Billot. David Moreau a 53 ans et la vannerie est son nouveau défi, lancé il y a quelques mois.
Médaille d’or aux Olympiades des métiers
"Je me suis longtemps cherché, je suis enfin à ma place dans la vannerie." La filière le lui rend bien. Pas encore sur le marché, et déjà récompensé par une médaille d’or lors des finales régionales Grand Est des Worldskills – les Olympiades des métiers. Inattendu, il y participait simplement pour la mise en situation particulière : le travail sous pression, sous le regard de milliers de personnes. "Les épreuves pour valider le CAP se rapprochent de ces conditions. C’est un bon entraînement", précise l’apprenti vannier.
Les 30 janvier et 1er février 2025, à Metz, il concourt avec trois autres apprentis de l’École. Une soixantaine de professions sont en lice, allant des métiers de bouche au BTP, en passant par la décoration. La Région Grand Est a tenu à ce que la vannerie de Fayl-Billot soit représentée.
"Cette élégance du geste. Les brins d’osier dansaient entre ses mains. Cette fluidité de fabriquer quelque chose avec presque rien. C’était un coup de cœur, un coup de foudre même. Une inspiration."
David Moreau, apprenti vannier
David Moreau découvre ainsi les pièces à réaliser. Top chrono. Il a 14 heures, sur deux jours, pour créer à partir de l’osier un panier "bouju" et une corbeille à pain. Il s’y attelle, choisit ses essences, ses tailles, tout en essayant de faire fi de l’environnement ambiant : le bruit et les 10 000 visiteurs. "Travailler sous la pression d’un chrono, cela provoque un petit stress aussi. Le plus important était de soigner les fondations du panier. Une fois le fond bien réussi, la suite peut aller très vite. La première matinée était cruciale", explique David Moreau. "Il a fallu aussi gérer plusieurs éléments fondamentaux : le triage, le trempage et le bon choix d’essence."
"Un coup de foudre, une inspiration"
Comment David Moreau s’est retrouvé à tresser des brins d’osier, et en plus, à être bon dans cet exercice ? Cet ancien plombier voulait retrouver une certaine indépendance après avoir été pendant de nombreuses années lié à des entreprises du BTP et des boîtes d’intérim. Il s’est essayé au maraîchage, s’est intéressé au développement d’une pépinière et a pris part à des chantiers participatifs sur du bâti ancien. Mais aucune activité ne le séduisait. Quand soudain…
Lors d’une randonnée, totalement éloigné de ses recherches, David Moreau croise un homme, seul dans une grange. Un vannier en plein travail. "Cette élégance du geste. Les brins d’osier dansaient entre ses mains. Cette fluidité de fabriquer quelque chose avec presque rien. C’était un coup de cœur, un coup de foudre même. Une inspiration", se remémore, nostalgique, l’apprenti vannier.
"En rentrant, je suis aussitôt allé voir mon référent Pôle Emploi en lui disant : « C’est ça que je veux faire »", raconte-t-il, enthousiaste. Il enchaîne les stages auprès d’artisans vanniers. Chaque nouvelle technique apprise le conforte dans son choix de devenir vannier, d’autant qu’il peut mettre à profit des aptitudes de plombier acquises au cours de sa vie : il façonnait déjà de ses mains des réseaux de plomberie en tordant et reliant des tuyaux de cuivre. "Mais tous mes maîtres de stage me poussaient à suivre une formation à l’École de Fayl-Billot pour parfaire toutes ces techniques", déclare-t-il.
Un projet passionné
Actuellement en CAP, David Moreau a déjà bien imaginé son avenir. Une micro-entreprise du côté d’Aubusson, dans le Limousin. Il pense déjà à son atelier dans sa maison en rénovation et à un petit local avec pignon sur rue en ville, histoire d’exposer ses réalisations. "Mais je ne veux pas brûler les étapes. Chaque chose en son temps. Je préfère une petite affaire qui tourne qu’une moyenne qui boite", philosophe-t-il. "D’abord le CAP, ensuite une petite pause pour digérer tout ce que je suis en train d’apprendre, avant de retourner auprès d’un maître artisan, puis de définitivement m’installer."
Rapidement, la vannerie est devenue une passion, puis un projet de vie. "On ne sait pas ce qui nous attend. Mon ambition est d’abord de pérenniser mon entreprise – quand elle sera là – et de réaliser de belles pièces. Il m’arrivera de me tromper, j’en ai conscience, et apprendre de ses erreurs, c’est d’ailleurs la partie intégrante de l’apprentissage." Il conclut : "Toute cette expérience ne peut s’acheter. Il faut trouver un espace où l’on se sente bien pour travailler. Il faut quatre ans minimum pour être à l’aise avec l’osier. La vannerie est un travail d’excellence. Il faut donc être patient et répéter, et encore répéter."