Champagne, gastronomie, armée : cet historien raconte comment le Japon s'est ouvert au monde

L'historien et journaliste rémois Edouard Kamykowska est spécialiste de la culture japonaise. Il partage ses connaissances et sa passion lors de conférences ouvertes à tous. La dernière en date, au mois de février 2025, portait sur l'ère Meiji, la période japonaise synonyme d'ouverture du Japon sur le monde occidental.

La Quotidienne Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, recevez tous les jours les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "La Quotidienne Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Point de cerisiers en fleurs ou de pagodes à Reims (Marne). Mais un parfum de Japon flotte sur la Cité des sacres. Surtout quand l'historien rémois Edouard Kamykowska va à la rencontre du public pour lui insuffler un peu de sa connaissance de l'histoire et de la culture de l'Empire du soleil levant. 

Une nouvelle conférence a été organisée, au sein du campus universitaire rémois. Elle porte sur l'ère Meiji, synonyme d'ouverture du Japon au monde occidental en ce mois de février. Cette ouverture en 1854 ne s'est pas faite avec grand pacifisme, mais au moyen de dix navires militaires américains lourdement armés, sous l'égide du commodore Matthew Calbraith Perry, dans la baie de Tokyo (localisée sur la carte ci-dessous).

Devant cette vision d'horreur, le pouvoir impérial a accepté l'ouverture, bon gré mal gré. Les conséquences de cette dernière ont été racontées par Edouard Kamykowska au cours de sa conférence, et il a accepté de revenir sur quelques-unes d'entre elles pour France 3 Champagne-Ardenne.

Il rappelle multiplier ces conférences pour lutter contre les nombreux clichés circulant sur le Japon et sur sa culture. Mais aussi parce que la région a des liens avec cette grande nation millénaire. "Le champagne est arrivé au Japon à cette époque, mais pas seulement. Plein d'autres choses y sont arrivées avec l'ouverture à l'Occident. Les Français ont participé à l'amélioration des techniques viticoles au Japon, à partir de l'ère Meiji. Ils produisaient déjà du vin", mais pas à l'européenne. 

Opératrices téléphoniques japonaises en 1902. © Auteur inconnu (domaine public)

"Les Allemands, eux, ont exporté leur bière. Buvez-en une japonaise et une allemande, et vous verrez des similarités. Les premiers maîtres brasseurs japonais ont été formés en Bavière. Concernant le whisky japonais, vous retrouverez des notes très écossaises. Même le ramen, mets emblématique nippon, vient de Chine. Et le fameux curry japonais est une importation britannique."

"Le Japon a toujours procédé à l'hybridation afin de faire émerger une culture propre au Japon." L'historien cite pêle-mêle l'organisation territoriale et le droit pénal du Japon, directement calqués sur la France, tout comme sa police métropolitaine tokyoïte d'avant-guerre. Quant à la marine impériale, elle aussi d'inspiration française, elle permettra un coup d'éclat : l'anéantissement de la flotte de guerre russe à Port-Arthur en 1905. Une année charnière, quand pour la première fois une puissance occidentale est défaite par les Japonais.

Un (futur) empereur à la cathédrale

De manière plus locale, on ne peut pas ne pas citer la chapelle Foujita, qu'on doit à un artiste japonais converti au catholicisme. Voisine de deux maisons de champagne rémoises, elle a été consacrée en 1966.

Un demi-siècle plus tôt, une autre particularité devait être signalée. "Le 3 juillet 1921, il y a eu un passage très important à Reims. C'est assez étonnant : la visite express de celui qui deviendra l'empereur Hirohito. Il était prince héritier du trône impérial, à cette époque, et c'est le premier prince héritier à sortir du Japon. Il était en tenue militaire. Il a visité la reconstruction de la cathédrale, après la Première Guerre mondiale." Il a été photographié avec l'archevêque, sur le parvis, mais hélas, les clichés se trouvent dans une collection privée.

L'empereur Hirohito a fait un don de 5 000 francs pour la reconstruction de la ville.

Edouard Kamykowska, historien

La visite de Hirohito le mènera aussi à Verdun (Meuse), dévastée lors des guerres de tranchées, ainsi qu'à Paris et au Royaume-Uni. Il rencontrera aussi le pape. "Il a fait un don de 5 000 francs pour la reconstruction de la ville" de Reims, en ruines au sortir du premier conflit mondial.

"Il y a donc sens à faire cette conférence." C'est sa deuxième itération (la première avait été donnée dans une maison de thé, sous forme de débat-thé... débattre en prenant le thé). Mais c'est la première fois qu'elle était donnée à Reims, à l'initiative du Groupe rémois des amis de Clio (Grac, Clio étant la muse de l'histoire), et au sein du centre culturel du Crous, sur le campus Croix-Rouge.

Une trentaine de personnes a participé à cette conférence. "J'ai eu de bons retours. Je n'ai pas parlé tout seul, en dehors de l'introduction. Je partais du principe qu'il fallait qu'on me pose des questions pour que ce soit intéressant. C'était plutôt un échange." Un format plus vivant, moins scolaire, qu'il avait déjà mis en pratique en dissertant sur les samouraïs à la librairie Guerlin de Reims.

À vos agendas

L'historien aimerait refaire cette conférence, car il n'a pas eu le temps de tout dire. "Notamment la presse. Les journaux sont encore très présents de nos jours au Japon. À l'origine, il y a l'ère Meiji."

Il aurait aussi apprécié de parler un peu plus des rapports sociaux. Et livre une anecdote : la famille impériale du Japon risque de totalement s'éteindre, car il est toujours impensable qu'une femme devienne impératrice régnante. "C'est une invention de la fin du XIXe siècle, pour correspondre aux normes occidentales. On voulait d'un homme viril et puissant, qui puisse défendre son pays. Aujourd'hui, c'est considéré comme une tradition." Pourtant, il y a déjà eu des impératrices dans l'histoire du Japon, "parfois de grandes guerrières". Mais c'était avant l'ère Meiji.

Conférence donnée par l'historien Edouard Kamykowska au sein de l'Université de Reims Champagne-Ardenne (Urca), le jeudi 06 février 2025. © Edouard Kamykowska

Un nouveau cycle de conférences et d'ateliers mangas devrait donc voir le jour. Les dates seront annoncées sur Linkedin ou Instagram :

  • mardi 4 mars : atelier-manga consacré à Dragon Ball et son rayonnement international (L'Occasion-Café de Reims, où il organisera aussi un quiz sur l'école au Japon en avril)
  • samedi 8 mars : nouvelle conférence sur les samouraïs (librairie Guerlin de Reims)
  • samedi 22 mars : co-conférence sur les références à la Grèce antique dans la culture populaire japonaise. De Homère à Nausicaa et la Vallée du vent (toujours à la librairie)

Historien, journaliste, vulgarisateur

L'une des premières conférences médiatisées d'Edouard Kamykowska, voilà un an, avait pour thème la Seconde Guerre mondiale sur le théâtre Pacifique, en tant que genèse du manga. France 3 Champagne-Ardenne s'en était fait l'écho.

Un an après ce premier article, du chemin a été parcouru, et d'autres rencontres ont eu lieu avec le public. Il est aussi devenu journaliste pour Japon Infos (il y a notamment écrit sur le sujet du handicap) et Le Journal du Japon. Une manière pour lui de renforcer "le partage de [sa] passion", et de toucher plus de monde.

Il projette aussi de développer une nouvelle base de données en ligne, Carnet Hypothèses, destinée à l'ensemble des chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS) "pour partager leurs travaux au public sous forme de billets de blog". Ce Carnet, il l'a baptisé Bunka Power, pour "les histoires (au pluriel) et les cultures populaires", quelle que soit leur forme, du manga au film (y compris d'animation) en passant par la musique.

De quoi revenir sur l'impact de la Seconde Guerre mondiale sur les œuvres japonaises, et leur adaptation sur plusieurs médias, telles que l'immense (et déprimant) film animé Le Tombeau des lucioles, issu d'une nouvelle narrant les conséquences des bombardements américains au napalm sur Kobe. Le premier article du Carnet, consacré au manga en tant que source historique, a été publié ce jeudi 20 février.

Ce format littéraire est apprécié des libraires. L'historien le démocratise au cours d'ateliers-manga, qui ont repris au mois de septembre 2024. L'occasion de parler de la place des femmes dans le manga, de son approche politique, ou encore du traitement du handicap dans ces œuvres.

VOTRE AVIS - En vue des élections municipales de mars 2026, ICI lance un grand cycle de consultations et propose tous les mois un questionnaire thématique afin de comprendre les attentes et les rapports des citoyens avec leurs maires, leurs communes.

Ce n’est pas votre région ?

Voir l’actualité de toutes les régions
Recevez tous les jours les principales informations de votre région

Ma quotidienne régionale

Recevez tous les jours les principales informations de votre région
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité