Première étape de la série « Normands d’ici » : Gisors. Primeurs dans le centre-ville, Marie et Romain Hamon transforment les radis en roses et les concombres en feuille d’arbre. Leur marque de fabrique : théâtraliser leurs produits et en faire des création artistiques (et comestibles).
C’est une boutique où des asperges élancées se tiennent debout, enlacées. Où les fraises sont rangées sur des piquets, arrangées en bouquet. Où l’on croque dans une rose sans savoir qu’il s’agit d’un radis.
Derrière l’esthétique Primeur Des Lys, les énergiques Romain et Marie Hamon. Leur marque de fabrique, depuis l’ouverture en septembre 2021 à Gisors (Eure) : rendre beaux leurs bons produits.
« Le matin, Romain sélectionne soigneusement les fruits et légumes à Rungis ; et ensuite on théâtralise les produits de saison ».
Pas question d’aligner bien droits les poivrons et les carottes, ni de les poser tout bêtement dans des cagettes. Marie veut mettre « en valeur » ses produits pour « susciter l’envie ». « C’est ce qu’on fait à travers l’étale, mais aussi à travers nos créations ».
Primés au salon de l’agriculture
Marie et Romain ont eu l’idée de préparer des plateaux dinatoires et autres corbeilles de fruits, mais de manière artistique. Il y a par exemple cette salade de fruits assemblée comme un gâteau. Ou encore ces crudités montées en bouquet, idéales pour un apéro.
Premiers protagonistes de la série « Normands d’Ici » (diffusée le jeudi soir dans le JT de France 3 Normandie, édition Rouen), Marie et Romain sont en réalité des normands d’ailleurs.
Nés dans le milieu des années 80, ils viennent de région parisienne. Mais aujourd’hui, ils sont un maillon moteur du réseau de 140 commerçants de la commune.
Et d’ailleurs, si c’est bien à Gisors qu’ils ouvrent leur affaire il y a 4 ans, c’est à Paris que survient un tournant dans leur carrière : au Salon de l’Agriculture, ils remportent le Prix Coup de Cœur National du Jury dans la catégorie Primeur lors du concours Talents des Fruits et Légumes, en février 2025.
Mais ce prix ne récompense pas qu’une bonne idée : il est surtout le fruit d’un travail acharné. Au début de l’aventure, les primeurs passent la majeure partie de leur temps, et même quelques nuits, dans leur laboratoire (l’arrière-boutique). Des heures passées à couper, tailler, sculpter.
On a testé la taille de concombre
Marie nous tend un couteau thaïlandais : « Vous allez essayer de transformer ce concombre en feuille ». Avec le petit et précis instrument, il faut finement couper les bords du fruit (oui, c’est un fruit), délicatement créer quelques encoches, subtilement retirer d’infimes parties de peau.
Pour le journaliste, l’opération prend 10 minutes au bas mot. Le résultat, pas fameux, rejoindra un bouquet garni d’autres feuilles de concombres, mais aussi de radis « blue meat » transformé en rose.
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« Il faut avoir de la patience », indique Marie, « ne pas être stressé, être détendu et avoir la main souple. » Malgré le talent et la technique de cette dernière, le processus reste chronophage. Mais tout cela est-il rentable ?
Oui : les clients sont au rendez-vous. Fini les nuits blanches : face au succès, le couple a embauché plusieurs salariés. Une réussite commerciale pour Romain et Marie, mais ce n’est pas le principal pour eux. Ils s’estiment gagnant quand le client revient acheter des produits qu’ils ne connaissaient pas avant de les avoir découvert servis sur un plateau.
Heureux d’éduquer au goût, les néo-gisorsiens le seraient davantage s’ils obtenaient le statut d’« artisan », qui échappe pour l’heure aux primeurs. Et pourquoi pas les nommer dans la catégorie « artiste » ? On leur octroie volontiers.