Face à la sécheresse récurrente, des agriculteurs quittent le sud pour s’installer en Charente, à la recherche d’eau et d’un avenir durable.
Le choix de tout quitter n’a rien d’un caprice : pour ces éleveurs venus du sud de la France, changer de région est devenu une nécessité face au dérèglement climatique.
"Tout a cramé" : la rupture brutale avec le Sud
Pour Mailys Clair, éleveuse dans le Tarn, le constat est sans appel : « Le dernier été que j'ai passé dans le Tarn, on n'a pas vu une goutte d'eau, mais pas une goutte, pas une averse, de début avril à fin octobre. » Les sécheresses à répétition ont compromis son activité. Sans herbe pour nourrir son troupeau, elle a dû puiser dans ses réserves d’hiver, un choix intenable sur le long terme : « On a à peine pu faire les foins, on a nourri tout l'été avec le foin de l'hiver. »
Comme elle, de nombreux éleveurs voient leur équilibre professionnel menacé par des conditions extrêmes. La précarité climatique, conjuguée à une instabilité économique, pousse certains à prendre une décision radicale : déménager vers des territoires plus tempérés.
Reportage de François Bombard et Marine Nadal
Recommencer ailleurs : l’appel de la Charente
Avant de trouver refuge à Saulgond en Charente, Mailys a visité pas moins de 60 fermes. Son choix s’est porté sur une exploitation de 39 hectares dans le nord du département. « Il y a des arbres, il y a des ruisseaux, il y a tout pour le bien-être de mes bêtes. » Pour 300 000 euros, elle acquiert non seulement des terres mais aussi un nouvel espoir.
Même constat pour Marie et Julien Polo-Riva, anciens bergers des Alpes-de-Haute-Provence, lassés de subir les aléas climatiques et un statut précaire. Leur arrivée à Esse en Charente, bien que marquée par la grisaille hivernale, a été vite compensée par la renaissance printanière : « Le printemps arrive, les feuilles, les arbres, tout pousse, donc on est contents là. »
Leur nouvelle ferme de 65 hectares, acquise pour 400 000 euros, leur offre autonomie en eau et stabilité. « C’est ce qu’on voulait, c’est être chez nous et ne plus avoir la précarité qu’on avait dans le sud. »
Une transition agricole et humaine
Le changement de région implique aussi une transformation des pratiques agricoles. Les anciens modèles de pâturage doivent être repensés. « Avant, on lâchait grand et les bêtes passaient une fois dans l'année sur les parcelles. Là, ici, on va faire plus de rotations. » Cette intensification maîtrisée permet de préserver les ressources mais exige de nouvelles compétences et une vigilance sanitaire accrue.
Ces déplacements restent encore difficiles à quantifier, mais tout indique qu’ils vont s’amplifier dans les prochaines années. Le phénomène des réfugiés climatiques agricoles en France, encore peu médiatisé, est pourtant bien réel. Il révèle aussi une autre facette du changement climatique : celle de ses conséquences humaines et territoriales.