Quinze jours pour perfectionner leur projet dans un cadre idyllique. Depuis le 9 novembre 2025, dans la maison creusoise des cinéastes Claude et Annie Miller à Vallière, trois lauréats du Festival International des Scénaristes et Compositeurs de Valence planchent sur leurs scénarios, pour lesquels ils ont été primés.
Les feuilles orange jonchent l’herbe verte. Dans ce village de la Creuse, un écrin de nature offre, pendant quinze jours, un havre de paix à trois chanceux. Ils viennent de Guadeloupe, de San Francisco ou de Montréal et ont un point en commun : ils ont été primés au Festival International des Scénaristes et Compositeurs de Valence pour l’élaboration d’un film ou d’une série. Pendant 15 jours, du 9 au 23 novembre, les trois lauréats profitent, dans une ambiance bucolique, des conseils de deux scénaristes professionnels pour tenter de terminer le scénario de leur film ou la bible de leur série. Un atelier auquel prennent pleinement part Annie Miller et Nathan Miller, le fils du réalisateur Claude Miller et lui-même réalisateur.
Un rendez-vous annuel, élaboré par Claude Miller il y a 15 ans, et poursuivit par sa femme Annie Miller, actrice, productrice ou encore réalisatrice : "Au départ, c’était une volonté de Claude de faire profiter de son savoir de sa connaissance en tant que scénariste, d’en faire profiter les jeunes qui arrivent dans le cinéma et qui ont besoin de conseil. Ça a très bien marché avec lui, il était très dur", confie Annie Miller, dans un sourire.
Quant à la question "Pourquoi continuer ?", l’artiste tranche : "Pour l’amour du cinéma". Si le but du séjour n’est pas de trouver un producteur, il permet une parenthèse pour perfectionner l’élaboration du script : "L’objectif, c'est d'aboutir à un texte prêt à tourner et prêt à être lu par un producteur potentiel". Un travail de fond dans une bulle dépaysante : "Pour se détendre, ils peuvent aller se promener, la semaine dernière, il a fait beau, c'était formidable".
"J'ai découvert son histoire"
Des propos validés par les protagonistes. Venus tout droit de Montréal et de San Francisco, Sara Nacer et Jeffrey Braverman travaillent pour la première fois en personne. Leur projet : la création d’une série dramatique biographique qui retrace la vie de Salim Halali. Une passion commune pour cet artiste queer des années 50 : "On travaille sur l’histoire du cabaret coq d’or de Casabalanca. C’est une des plus grandes voix du music-hall oriental et français du siècle dernier. Moi, j'ai fait beaucoup de recherche à son sujet", explique Sara Nacer, Jeffrey Braverman poursuit : "J’ai grandi avec la musique de Salim Halali dans la maison. Ma mère m’a mis ses disques toute mon enfance puis j’ai fait plus de recherches et j’ai découvert son histoire".
Moi je suis juif et Sara est musulmane
Jeffrey Braverman
Une histoire mêlée à la culture des deux compères : "On sait qu’il a été sauvé de la déportation par la grande mosquée de Paris alors que sa petite sœur a été déportée à Auschwitz, c’est quelque chose pour nous qui est très important, c'est un moment de l'histoire qu’on ne peut pas changer", eux-mêmes sont juifs et musulmans : "Moi, je suis juif et Sara est musulmane", explique l’américain. Sara réagit : "C’est un travail de coexistence sur la coexistence".
À quelques mètres, Anne-Sophie Nanki est en train d’échanger avec Armel Gourvennec et Michèle Armandi, les deux scénaristes professionnels. Elle est Lauréate, dans la catégorie long-métrage, pour son projet : "Ici commence le nouveau monde". "C’est un film historique qui se passe dans les années 1653-1654 en Guadeloupe, l’île où je suis née et qui raconte l’aventure d’une jeune Amérindienne qui s’appelle Ibatali et qui, mariée de force à un officier français et abandonnée par les siens, va trouver les ressources pour survivre à ce nouveau monde pour enfin tracer sa propre route et retrouver sa propre identité", raconte la jeune femme.
Ce séjour dans la maison Miller, la scénariste le perçoit comme une parenthèse : "C’est un cadre idéal pour se concentrer, se reposer, respirer dans ce que la Creuse offre de plus beau en termes de paysage. On est environné de livres, de films, de tableaux, de peintures, on est immergé dans l’art".
Le soir venu, toute l’équipe dîne puis descend regarder un film dans la petite salle de cinéma. Un moment d’échange avant que les résidents ne reprennent le chemin de leur gîte. Ils ont encore une semaine pour perfectionner leur projet.
