Une marche blanche était organisée le dimanche 27 juillet par l'association des Marocains de Limoges contre les propos controversés du maire de la ville suite aux violences urbaines du Val de l'Aurence. Les organisateurs de la manifestation vont porter plainte contre le maire pour injure raciale.
Plusieurs dizaines d'habitants de Limoges se sont retrouvées sur la place de l'Hôtel de Ville, à l'appel de l'association des Marocains résidents à l'étranger (FMRE), qui organisait une marche pacifique pour dénoncer les propos du maire, Émile Roger Lombertie.
Après les émeutes qui ont éclaté dans le quartier au Val de l'Aurence les 14 et le 18 juillet dernier entre les habitants et les forces de l’ordre, le maire a multiplié les interviews dans les médias nationaux. Plusieurs phrases ont choqué telles que : "En milieu musulman, si le père est absent, c'est un des garçons qui commande, comment voulez-vous qu'un enfant de huit ans soit chef de famille ?"
Cette phrase a été prononcée sur la chaîne d'information en continu CNews, puis partagée sur la page Facebook du Collectif contre l'islamophobie en Europe (CCIE) qui dénonce des propos islamophobes :
Le 22 juillet dernier, sur le site d'extrême droite Boulevard Voltaire, le maire a également comparé les auteurs des violences à des bêtes : "quand on considère les gens comme des bêtes et qu’on les laisse libres comme des bêtes, ils ont des comportements de bête, c’est-à-dire qu’ils perdent tout ou partie de leur humanité pour se contenter du côté obscur."
Une marche pacifique en soutien aux habitants du Val de l'Aurence
Dans le quartier du Val de l'Aurence, ces propos ont très mal été reçus. Pour Hassan El Kanned, président de l'association des Marocains de Limoges et organisateur de la marche pacifique, ces propos sont inacceptables et insultants. Cette marche est "une réponse aux stéréotypes erronés".
L'objectif, c'est de montrer à tout le monde que nos enfants sont bien éduqués. Il nous a vraiment presque insultés. Il nous a pris pour des animaux.
Hassan El KannedPrésident de l'association des Marocains de Limoges
Habitante de Condat-sur-Vienne, Dehbia a tenu à être présente à cette marche avec ses cinq enfants. "Les propos qu'a tenus Monsieur Lombertie ont été blessants envers ma communauté. On a été éduqués dans le respect, ça m'a blessée", confie-t-elle.
"Je suis née dans un quartier, j'ai grandi dans un quartier, je suis élevée, mes parents m'ont éduquée, m'ont appris le respect, je travaille, j'éduque mes enfants, donc je n'ai pas compris ce que faisaient ces propos à ce moment-là", complète-t-elle.
On a grandi dans un quartier, nous ne sommes pas des animaux, nous sommes des humains
DehbiaHabitante de Condat-sur-Vienne
Yassine, lui, a fait le déplacement depuis le quartier de Beaubreuil où il a grandi. S'il condamne les violences au Val de l'Aurence, il condamne aussi les propos du maire : "Il réduit les habitants à des animaux, je viens en solidarité à ces habitants du Val de l'Aurence qui sont les premières victimes de ces violences."
On est fatigués par les amalgames qu'il peut y avoir entre des personnes qui posent des problèmes d'incivilité et une religion, une communauté entière.
Habitante de Limoges
Les réactions politiques
La marche s'est terminée devant le tribunal de Limoges. À neuf mois des élections municipales, certains élus locaux ont tenu à être présents, comme Gulsen Yildirim, conseillère municipale (Parti socialiste).
"Ces mots ont choqué une partie de la population, j'ai presque envie de dire que c'est une demande d'excuse au maire de Limoges qui doit se rendre compte qu'on ne peut pas traiter des problèmes de fond avec des invectives", souligne-t-elle.
De son côté, l'adjoint au maire de Limoges, Vincent Léonie, a pris ses distances avec les propos d’Émile Roger Lombertie. Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, il précise : "Les propos qu'il a récemment tenus sont des déclarations personnelles, qui ne font l'objet d'aucune discussion préalable avec les membres de la majorité."
Sollicité pour un entretien, Émile Roger Lombertie n'a pas souhaité s'exprimer. De leur côté, les organisateurs de la manifestation vont porter plainte pour injure raciale contre le maire.