Les livreurs sans-papiers se sont réunis, ce mardi 24 juin 2025, devant la préfecture de Poitiers pour manifester leur mécontentement. Déposés en mars dernier, vingt dossiers avaient été adressés au préfet de la Vienne dans l'espoir pour ces travailleurs d'obtenir un titre de séjour : les premières réponses sont négatives.
Ils ont fui leur quotidien, vécu l'enfer en traversant de nombreux pays et la mer Méditerranée dans des conditions inimaginables, avant d'arriver en France dans l'espoir d'avoir une vie meilleure. Ces jeunes hommes sans-papiers, venus du continent africain, deviennent livreurs pour des plateformes comme Uber Eats ou Deliveroo dans les plus grandes villes de l'Hexagone, comme Poitiers.
"Les commandes sont moins bien payées qu'avant"
Ce travail permet à ses habitués des deux-roues de sortir d'une extrême précarité, faute d'avoir mieux. Pour la plupart installés en France depuis plusieurs années, leur quotidien de livreur devient de plus en plus compliqué. "Actuellement, il n'y a pas assez de commandes et elles sont moins bien payées qu'avant", pointe un livreur poitevin. Par déplacement, je peux être payé entre trois et cinq euros. Par jour, en comptant les déplacements du matin jusqu'au soir, je peux en faire entre 10 et 15 déplacements." Un effort qu’il considère insuffisamment reconnu à sa juste valeur.
Mathis Haradji, bénévole de la Cimade, qui vient en aide aux migrants, aux réfugiés et aux demandeurs d'asile, partage cet avis : "Du fait de l'absence de statut de salariat, ils se retrouvent dans des situations où ils ont une rémunération très faible pour ce qu'ils font. Le temps d'attente, qui est une grosse partie de leur travail, n'est pas rémunéré. De plus, ils se retrouvent à faire des livraisons au cours desquelles un kilomètre équivaut à 50 centimes, ce qui est très bas."
À Poitiers, comme dans toutes les villes de France, les livreurs en situation irrégulière sont obligés de louer un compte à une autre personne, du fait de leur absence d'autorisation de travail, et obtiennent en échange une commission. Derrière le compte, le livreur travaille à sa place. "Comme l'utilisateur a créé le compte, tout l'argent gagné vient dans ses poches. Le film 'L'histoire de Souleymane' le montre très bien : ce sont des rémunérations qui peuvent aller de 100 à 150 euros par semaine. Le chiffre d’affaires peut monter potentiellement à 400 euros par semaine, ce qui est conséquent", ajoute le membre de l'association Cimade.
Les livreurs face au refus de leur admission exceptionnelle au séjour
Pour éviter de passer par une tierce personne et avoir plus d'argent, les coursiers espèrent obtenir un titre de séjour. Le livreur, qui témoigne de manière anonyme, fait partie de ceux qui attendent une réponse de la préfecture. "On n'a aucune nouvelle pour le moment, on attend toujours," déplore-t-il. Contrairement à une vingtaine de ces camarades, qui ont récemment eu une réponse négative.
En mars dernier, un collectif de livreurs sans papiers s'était formé et avait déposé publiquement une demande de titre de séjour. "Le préfet s'était engagé auprès de la maire de Poitiers, Léonore Moncond'huy, à donner une réponse à l'ensemble des livreurs. Malheureusement, beaucoup ont eu des retours négatifs, souligne Mathis Haradji. On ne sait pas quel est le contenu de ces refus, si ce sont des refus simples ou des OQTF, mais c'est pour cela que l'on souhaite se sensibiliser et réclamer le droit de titre de séjour à tous ces livreurs."
Face à ces refus, une vingtaine de livreurs, accompagnés de la CFDT et de la Cimade, ont manifesté devant la préfecture de la Vienne, ce mardi 24 juin. À terme, ces livreurs sans-papiers pourraient être conduits au futur local de rétention administrative (LRA) de Rouillé, où ils risquent une expulsion du territoire français.