Autoroute A69 : quand le ministre des Transports annonce une décision de justice avant la justice elle-même

La cour administrative d'appel de Toulouse a tranché. Le chantier de l'A69 peut reprendre. L'annonce n'a pas été officialisée par la justice mais par... le ministre des Transports. La méthode surprend même les défenseurs du projet.

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La décision était très attendue. La cour administrative d'appel de Toulouse vient de rendre public son jugement ce mardi 30 décembre 2025 : le chantier de l'A69 peut continuer.

L'information aurait dû être annoncée par la justice administrative puisque c'est elle qui a prise la décision. Mais le ministre des Transports lui a grillé la priorité en prenant les devants.

Une décision de justice annoncée par...un ministre

Dans chaque affaire, la méthode est la même. Qu'il s'agisse d'un tribunal administratif, de la cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat, les dossiers contentieux font l'objet d'une mise en délibéré au terme d'une audience publique.

La décision, le jugement ou l'arrêt (la terminologie change en fonction du degré de juridiction) est ensuite rendue publique par le juge lui-même. Il peut s'agir d'une mise en ligne sur le site de la juridiction ou d'un communiqué de presse.

S'agissant de l'A69, la cour administrative d'appel de Toulouse avait fait le choix d'un communiqué de presse. Il devait intervenir en fin de matinée. Ce process a été parfaitement respecté. Il est arrivé dans les boîtes mail à 10 heures 33 ce mardi 30 septembre.

Seul problème, un autre communiqué de presse est tombé avant. Il émane du ministre des Transports. Autrement dit, Philippe Tabarot s'est subrogé à la cour administrative d'appel de Toulouse.

Comme le précise un avocat spécialisé, " imagine-t-on un garde des Sceaux qui annonce le verdict d'une cour d'assises avant que celle-ci n'ait rendu son verdict ? Non, bien sûr. C'est assez choquant car c'est comme si on ne respecte pas l'indépendance de la justice administrative".

Une indépendance qui est d'ailleurs liée à un principe : la séparation des pouvoirs. Autrement dit, la communication des décisions de justice, par définition, ne relève d'aucun ministère, celui des Transports compris.

Un habitué des prétoires ne cache pas son dépit : " que le ministre ait averti de la décision avant sa publication est tout à fait probable. Il ne faut s'étonner de rien avec la juridiction administrative ".

Conséquence pratique de ce "cafouillage" parfaitement volontaire : de nombreux médias ont publié l'annonce de la reprise des travaux avant même que la justice administrative ne rende publique sa décision.

Pour un juriste, "c'est au minimum un manque de respect de la cour administrative d'appel. Ça donne l'impression qu'on lui marche dessus. Ce n’est pas très respectueux et même maladroit". Une maladresse qui d'ailleurs a été relevée par des défenseurs de l'autoroute.

Une méthode "curieuse" pour des pro A 69

La communication rapide et le sens de l'anticipation du ministre des Transports ne sont pas passés inaperçu. Bien sûr, c'est le fond du jugement qui retient l'attention à savoir la validation des autorisations environnementales et donc la poursuite du chantier autoroutier.

Même si ce n'est pas véritablement une surprise. Lors de l'audience du 15 décembre dernier, le rapporteur public s'était prononcé en ce sens. Il existait de très fortes probabilités pour que les juges d'appels adoptent la même position. Les défenseurs de l'autoroute ne cachaient pas leur optimisme.

En revanche, la précipitation du ministre des Transports étonne et même irrite. Un pro autoroute parle d'une "maladresse" et lance même une pique : " ce n'est pas très professionnel. On n’a pas besoin de ça. C'est bon, c'est validé par la justice, il est inutile de donner l'impression que l'on passe en force".

Le malaise est également perceptible chez les plus fervents soutiens de l'autoroute. Bernard Carayon n'est pas simplement le maire de Lavaur. C'est aussi un proche du plus puissant sponsor du projet : les laboratoires Pierre Fabre. Il s'agit même d'un lien historique puisque Bernard Carayon a côtoyé le fondateur du groupe pharmaceutique.

Bernard Carayon se félicite de la décision de la cour administrative d'appel mais il relève également l'attitude du ministre des Transports en la qualifiant de "curieuse".

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