Clémence alias Cle'Blue est devenue une figure emblématique de la scène hip-hop locale. Maîtresse de Cérémonie du prestigieux Battle Opsession, elle raconte avec passion son parcours, son engagement culturel et son combat pour plus de visibilité des femmes dans cette discipline encore trop méconnue.
Cle'Blue, c'est un rire, une tchatche et parler de hip-hop avec elle, c'est entrer au cœur de la culture urbaine.
MC, animatrice radio, militante et figure montante du hip-hop nantais, Cle'Blue ne laisse personne indifférent. Derrière ce nom de scène se cache Clémence Durand, une femme au parcours inspirant, à la croisée de l’art oratoire, de la culture hip-hop et de l’engagement décolonial. Et surtout la première femme Maître de Cérémonie au festival Hip Opsession. Un rôle qu'elle endosse pour la deuxième fois cette année.
MC, plus qu'un animateur, un passeur
Pour Cle'Blue, être MC, Maître de Cérémonie, c'est bien plus qu'animer un battle. Dans l'arène, son rôle est primordial, car il fait le lien entre les danseurs, le DJ, les juges et le public. S'il fait le show pour ambiancer, pour créer une osmose avec le public, il est aussi là pour faire de la pédagogie. Le hip-hop est très codifié et il est nécessaire d'expliquer les termes utilisés. Pour Clémence, ce rôle du MC est trop souvent invisibilisé.
C'est très important d'expliquer un peu les codes et les valeurs qu'on porte. En fait, on est un peu comme des messagers.
Clémence DurandMC Hip Opsession
Le Maître de Cérémonie est celui qui annonce les danseurs et danseuses et c'est là qu'il doit faire preuve de tact et de bienveillance.
"Les annoncer, c'est mettre le public au courant qu'il va se passer quelque chose d'incroyable. Ils ont besoin de cette énergie-là, car c'est peut-être sur leur première ou leur deuxième scène. Peu importe. On crée un tapis de velours pour l'artiste." explique Clémence.
Un bon MC, c'est quoi ?
Tout est dans le style, et Cle'Blue n'en manque pas !
Dans l'arène le MC c'est la tchatche, la répartie, l'éloquence, l'humour. C'est le garant du bon déroulement d'un battle. Il se doit donc d'avoir une bonne connaissance de la culture hip-hop pour mettre en valeur les artistes.
Un bon MC, pour moi, il doit être énergique. Il doit être solaire. Il doit être charismatique. Il doit être au garde-à-vous et au service de sa culture.
Cle'BlueMC Hip Opsession
Une femme, une voix, une énergie
Être une femme dans ce milieu ? Cle'Blue le revendique, sans en faire un slogan. Elle ne veut pas devenir un porte-drapeau, mais fait un constat : "il n'y a pas assez de femmes qui sont représentées ou alors elles sont minimisées. Moi, j'impose mon style, mais pas mon genre."
Je suis très honorée qu’on m’appelle MC tout court. [...] J’espère qu’on m’appelle pour mon énergie, pour ma personnalité.
Cle'BlueMC Hip Opsession
De prendre un micro, d'être sur une estrade, c'est pour Clémence une manière de se faire entendre, d'exister : "c'est le minimum qu'il faut pour me faire entendre. On parle de libérer la parole des femmes. Aujourd'hui, j'aimerais qu'on les écoute."
"Si on m’avait dit plus tôt que le métier de MC existait pour les femmes, je l’aurais fait bien plus tôt", confie-t-elle avec émotion.
La place fragile des femmes dans le hip-hop
Cle'Blue fait le constat d'un monde où l’industrie musicale efface encore trop souvent les voix féminines. "Dans le R'n'B, le hip-hop, c'était souvent les femmes qui faisaient des refrains. Aujourd'hui, les hommes ont trouvé l'autotune, donc elles sont encore effacées. Il y a beaucoup de choses qui effacent les femmes au détriment de l'industrie de la musique." Elle rêve d’un hip-hop où les femmes, comme les hommes, soient écoutées.
Si Cle'Blue revendique une voix singulière, elle s’inscrit dans une lignée d’artistes et d’activistes qui l’ont inspirée : comme Lydie La Peste,"J’ai des modèles qui datent de la Radio Libre, comme Jackie Brown (...) ou Missy Elliott pour le style." Amoureuse des mots, elle n'hésite pas à citer Molière.
Le hip-hop au corps et au cœur
Clémence, alias Cle'Blue, a baigné très jeune dans la culture hip-hop par la musique et par la danse. C'est dans ce milieu qu'elle a trouvé un sens à sa vie.
"Je tiens à remercier toute la culture hip-hop de m'avoir élevée, parce qu'on parle d'ascenseur social et aujourd'hui c'est important de remercier les siens, ses pères et tous ceux qui nous ont élevés dans cette culture-là (...) sans la culture hip-hop et sans mes grands frères, sans mes grandes sœurs je n'en serai pas là."
Sa passion pour la culture urbaine a pris tout son sens à la radio, dans les battles, et en faisant de son rôle de Maîtresse de Cérémonie son métier. Renouveler cette expérience pour la deuxième fois est un honneur et un challenge qu'elle relève non sans une certaine appréhension. Mais, elle est prète à se jeter dans l'arêne !
Un battle c'est quoi ?
Un battle, c'est un affrontement dans une arène qu'on appelle un "cypher" avec un danseur d'un côté et de l'autre. C'est une bataille, où les danseurs se mesurent, se jaugent à coups de figures, de mouvements, avec un seul mot d'ordre : avoir du style. Il existe plusieurs catégories et c'est un jury composé de trois professionnels qui désignent d'un signe de la main le vainqueur.
Le plus important dans le battle c'est la notion de freestyle, c'est ce qui le différencie de la chorégraphie. Ici, les danseurs improvisent. Ils doivent faire preuve d''audace, de musicalité, de respect face à l'adversaire.
Clémence explique que l'important pour les Bboys et Bgirls (les danseurs et danseuses) c'est de "créer son propre style, créer l'instant, créer l'énergie, la synergie avec le public, je pense que c'est ça qu'il juge."
Battle Opsession : une légende à Nantes
Hip Opsession c'est l'occasion de découvrir la culture hip-hop. Novices ou connaisseurs, le battle Opsession, à mi-chemin entre compétition et performance artistique, est toujours un très beau spectacle, plein d’inventivité, de rythme et d’énergie. Il mérite vraiment d’être connu et vécu !
Le festival Hip Opsession célèbre ses 20 ans cette année. Il réunit des danseurs du monde entier, mais ce qui en fait un événement particulier pour Cle'Blue, c'est l'effervescence de la ville, qui le temps du festival, vit à l'heure du hip-hop.
Elle évoque la particularité de cette édition, marquée par des participations exceptionnelles comme U-Ghost, mais aussi la mise en lumière de jeunes talents, comme Hopa, 12 ans. "Elle fait partie de la catégorie Popping, ce qui est impressionnant en fait, c'est un peu, ne m'en voulez pas les Poppers, mais il y a quelque chose d'un peu old school dans le Popping, et de voir une enfant de 12 ans qui fait perdurer cette culture-là, chapeau madame !"
► Cette année encore, vous pourrez suivre les battles en direct les 16 et 17 mai 2025 dès 19h sur france.tv, notre site internet et notre page Youtube.
