Quels sont les pouvoirs du maire en matière d'urbanisme ? À l'approche des élections municipales, coup de projecteur avec deux exemples : les routes et les éoliennes. Qui les autorise ? Le conseil municipal peut-il s'opposer à l'implantation d'un parc éolien ? Éléments de réponse.
On les emprunte tous les jours, que ce soit à vélo, à pied, en bus ou encore en voiture. Mais savez-vous qui a autorité pour créer les routes ? À quelques mois des élections municipales de mars 2026, nous avons posé la question à quelques-uns d'entre vous. Les réponses sont disparates : "Le maire peut créer une nouvelle route. Je pense que c’est vrai." "Euh non, je ne pense pas." "Faux… C’est le département."
En réalité tout dépend du type de route dont nous parlons : autoroutes, nationales, départementales ou communales ?
Le maire ne peut agir que sur les voies communales, qu'il s'agisse des voies vélos, voitures ou piétons. Encore faut-il qu'il en ait gardé la compétence. Parfois dans certaines communautés de communes, la compétence route est en effet transférée à l'intercommunalité.
Le conseil municipal compétent sur ses routes communales
Si on parle bien d'une route communale, qui relève de la compétence du maire (plus précisément, du conseil municipal...) alors oui, une commune peut créer une route. Mais à certaines conditions, comme nous l’explique Christophe Marques, directeur de l’ADAC 22, l’Agence Départementale d'Appui aux Collectivités des Côtes d'Armor, un établissement public, comme on trouve aussi le Finistère ingénierie assistance (FIA). Des agences publiques très utiles pour les édiles.
"Avant de prendre la décision de construire une route sur sa commune, il y a trois grands corps de choses à vérifier" nous explique Christophe Marques, directeur de l’ADAC 22. "Premièrement, est-ce qu’il est propriétaire du foncier, des terrains sur lequel il veut faire sa route ou pas ? Dans notre pratique, pour les voies de mobilité douce, c'est souvent dans les champs ou en bord de route, donc la commune doit acquérir la propriété de la parcelle dont on a besoin pour construire cette voie."
"S'il y a des enjeux forts autour d'un projet d'intérêt général, on peut aller jusqu'à l'expropriation, mais c'est assez rare" poursuit Christophe Marques. Sachant que la plupart du temps, le sujet est "déminé" en amont. "L'acquisition du foncier se fait la plupart du temps à l'amiable, parce que c'est souvent un bout de jardin ou de champ qu'on arrive à racheter par exemple. Ça veut donc dire que c'est de l'argent à mobiliser par la commune..."
Gare à l'environnement et au patrimoine
Deuxième point à vérifier avant de se lancer : y a-t-il des enjeux environnementaux sur le tracé que le conseil municipal a imaginé. "À titre d'exemple, est-ce qu’il y a des espèces protégées ? Est-ce qu’il y a une zone humide ? Il doit faire un certain nombre de vérifications, pour s'assurer que le chemin qu'il veut créer n'impacte pas l'environnement."
À vérifier également : est-ce que le tracé imaginé a des impacts patrimoniaux, sur un monument classé, sur un paysage remarquable, est-ce qu’il y a de l'archéologie préventive à faire avec des fouilles… S'il y a un impact fort, la commune va s'engager dans une séquence qu'on appelle ERC pour Eviter, Réduire et Compenser. "Il faut d'abord éviter de faire une atteinte à l'environnement, si on ne peut vraiment pas le faire il faut réduire l'atteinte au minimum, et si on est vraiment obligé d'atteindre, il faut compenser."
Tout dépend de l'intérêt public du projet. S'il n'est pas majeur, cela ne vaut pas suffisamment le coup de le poursuivre, ou bien cela pousse à chercher des alternatives et à modifier le projet.
Autre sujet qui cristallise bien souvent les oppositions. Les éoliennes.
Éoliennes, pour ou contre ?
Les éoliennes sont des ICPE, comprenez Installations Classées pour la Protection de l'Environnement. Perçues comme nécessaires dans le cadre de la transition énergétique, leurs implantations créent pourtant souvent des tensions : "C'est un peu comme les prisons : on est tous d'accord pour dire qu'il en faut, mais loin de chez soi" note en souriant un riverain de ces grandes pales.
Pour différentes raisons, un maire pourrait être tenté de s'y opposer, mais est-il compétent ? Comme pour les routes, les avis divergent : "Oui, puisque c'est lui qui donne le permis de construire, donc il peut s’opposer…" ou au contraire : "Non, je ne crois pas qu’il ne peut pas s'y opposer, car les éoliennes sont gérées par l’Etat." La réponse est ici à la fois oui et non.
Non, dans le sens où, comme les éoliennes relèvent du Code de l’Environnement, c'est le préfet du département qui est le seul à pouvoir autoriser leur implantation. Le maire n'a pas le pouvoir de les interdire. Lui, et son conseil municipal, ne donne qu’un avis, consultatif : "Le préfet prend en compte tous les avis pour formuler une décision, mais ces avis ne sont pas conformes" détaille Jean-Pascal Lebreton, directeur adjoint de la DDTM des Côtes d'Armor. "Autrement dit, le préfet n'est pas tenu de s'y conformer." Il note au passage que des "zones d'accélération" existent depuis la loi d'accélération pour la production d'énergies renouvelables de mars 2023. Mais celles-ci ne sont en rien contraignantes quant à l'emplacement choisi par les promoteurs.
En revanche, le maire et son conseil peuvent, s'ils sont opposés à l'implantation d'éoliennes sur leur commune, en compliquer la construction, en freinant par différents moyens leur apparition :
En refusant par exemple au promoteur, l’accès aux chemins communaux. En réglementant en amont leur emplacement dans le PLU, le plan local d’urbanisme. Ou encore en organisant un référendum sur la question. Autant de dissuasions qui peuvent parfois pousser le promoteur à changer d'avis, explique Maître Francis Monamy, avocat en droit public ayant déjà défendu plusieurs dossiers concernant des éoliennes.
Recours devant le juge administratif
Si une autorisation préfectorale est délivrée, la commune concernée, comme les communes voisines, les riverains du parc éolien, et les associations de défense de l'environnement, peuvent aussi déposer un recours devant le juge administratif, pour la contester la décision du préfet, en s'appuyant sur trois motifs.
"On peut contester les parcs éoliens sur la défense du paysage, du patrimoine historique, je dirais que c'est la protection de l’esthétique des lieux" détaille Maître Francis Monamy du barreau de Paris. "Deuxième motif, c'est la protection de la biodiversité. Les parcs éoliens ne faisant pas toujours bon ménage avec les chauves-souris et oiseaux, surtout les rapaces. Et puis dernier motif c’est ce qu'on appelle la protection de la commodité du voisinage. C'est l'effet d’encerclement des villages qui se retrouvent encerclés par divers parcs éoliens, ou c’est l’extrême proximité des éoliennes avec les habitations, c'est ce qu'on appelle l'effet d’écrasement."
L'avocat a ainsi défendu les opposants aux quatre éoliennes et leur poste de livraison l’annulation acceptée par arrêté préfectoral du 23 janvier 2012 à Nivillac dans le Morbihan. Autorisation annulée, le 16 mai 2014, par le Tribunal administratif de Rennes, le projet se situant à proximité du Parc naturel régional de Brière.
Des procédures, qui demandent cependant souvent des années avant d'aboutir.