Pascal et Baptiste, deux Marseillais, ont embarqué sur le navire humanitaire le Madleen le 1er juin dernier. Alors qu'ils s'apprêtent à débarquer dans la bande de Gaza, la soute remplie de produits alimentaires et médicaux, les autorités israéliennes empêchent leur arrivée. L'embarcation poursuit malgré tout son chemin.
Si on nous demande de nous détourner, on va continuer à faire route sur Gaza. C’est là où ils devront nous arrêter”. Pascal avait prévenu, le Madleen doit arriver à destination. Le Marseillais a pris la mer le 1er juin à bord du navire humanitaire sous pavillon britannique afin de rejoindre Gaza.
Il vient d’apprendre il y a quelques heures que le ministre de la Défense israélien a ordonné à l’armée d’empêcher l’arrivée de son bateau, chargée en nourriture et en matériel médical, à Gaza.
Le Marseillais avait envisagé ce scénario quelques heures plus tôt. “Le plus probable, c’est que l’on ne puisse pas arriver à Gaza, détourné au premier port au nord”, expliquait-il.
Ou on pourrait aussi être bombardé par des drones ou attaqués par les soldats avec des tirs à balles réelles. On pourrait être arraisonné à Gaza, c'est-à-dire voir des soldats israéliens monter à bord de notre navire, sans violence, et prendre le pilotage du bateau. Ou alors la mobilisation est telle à terre que les autorités israéliennes nous laissent aller jusqu’à Gaza. Ça serait symboliquement une victoire.
Pascal MaurierasIngénieur en informatique de profession, marin sur le Madleen
Pour son projet, il devra se contenter du premier scénario.
"L'acheminement de l’aide humanitaire est plus symbolique qu’autre chose"
Son projet, c’est celui de la Freedom Flotilla Coalition : douze militants du monde entier réunis sur un bateau dans le but de “dénoncer le blocus et le génocide en cours à Gaza, en tentant d’apporter une aide humanitaire aux Gazaouis”, explique le marin à ses heures perdues.
Dans la soute, le bateau transporte plusieurs centaines de kilos de nourriture, des médicaments (paracétamol, antibiotique,...), de matériel de puériculture, mais aussi de matériel médical spécialisé comme des béquilles et des prothèses qui, jusqu’à présent, sont interdites par le gouvernement israélien.
"Vous savez, l'acheminement de l’aide humanitaire, il est plus symbolique qu’autre chose. Ce n’est pas avec ces quelques centaines de kilos que l’on va changer le cours des choses", explique Pascal, conscient de la réalité du conflit israélo-palestinien. Dans ce voyage, il est accompagné de Baptiste, un autre Marseillais.
Notre action est politique. On cherche à briser ce siège et à ouvrir la voie à d’autres navires.
Baptiste AndréMédecin à l'hôpital de la Timone à Marseille et sur le Madleen
Et même le nom du bateau n’a pas été laissé au hasard. Ce voilier de 18 mètres qui a pris la route depuis Catane en Sicile, s’appelle le Madleen, “en hommage à la seule pêcheuse gazaoui encore en vie à l’heure actuelle, un exemple de résilience”, explique fièrement Baptiste.
À bord, chacun sa mission
À son bord, deux journalistes en mission, quatre marins, dont trois sur le pont et un technicien, un médecin, et plusieurs personnalités publiques, à l’instar de la militante suédoise Greta Thunberg ou encore la députée France Insoumise Rima Hassan ont pris le large. Et chacun a un rôle.
“Ma mission, c'est de tenir mes quarts”, affirme Pascal, intégré à l’équipe des marins. Concrètement, le marin amateur doit faire avancer le navire pendant la traversée. Il partage cette tâche avec deux autres navigateurs : tous les trois effectuent des rotations toutes les quatre heures.
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L’aventure commence pour Pascal en 2018 alors qu’il est en burn-out. “Rester enfermé chez moi à écouter les informations, ça me rendait malade”, avoue l’ingénieur, déjà militant politique et syndical au sein de la CGT. “Ça me rendait moins malade d’agir que de rester dans mon canapé”, renchérit-il.
Le marin amateur embarque alors dans l’un des deux bateaux de la coalition Freedom Flotilla pour rejoindre Gaza, la soute remplie de produits alimentaires et médicaux. Malheureusement, le navire ne parvient pas à arriver à destination, détourné par les forces israéliennes.
"Une alternance d’émotions fortes, quotidiennes"
Le scénario pourrait se produire une nouvelle fois. “L'équipage est un peu partagé entre ceux qui envisagent le pire et ceux qui sont plus optimistes, comme moi”, affirme Pascal. Et c’est, entre autres, ceux pour quoi intervient Baptiste. “Je me suis engagé en tant que médecin de bord pour prendre soin de la santé de l’équipage. J’essaie de faire en sorte de gérer l’angoisse”, explique le médecin à l’hôpital de la Timone à Marseille.
Le voyage se déroule pour le moment sans trop d’encombres, bien que les passagers aient pu croiser quelques drones grecs, ignorant leur objectif : surveiller ou attaquer ? Pascal garde en tête l’image de ce bateau de la flottille en feu aux larges des côtes maltaises. Les militants ont affirmé avoir été attaqués par des drones israéliens.
Mais il reste confiance. “Je n’ai pas peur en tant que tel, c’est surtout une alternance d’émotions fortes, quotidiennes, remuées par la présence permanente de drones”, confie-t-il, avant d’ajouter :
Malheureusement, et heureusement pour nous, nous sommes une majorité d’Occidentaux et d’Européens sur le navire, donc je pense que le gouvernement israélien va réfléchir à deux fois avant de se mettre la population européenne à dos”.
Pascal MaurierasIngénieur en informatique de profession, marin sur le Madleen
Attaquer le navire sous pavillon britannique serait considéré comme un acte de piraterie.
Arrivée imminente
En plus de naviguer sous la surveillance stressante des drones, les passagers ont été “grandement secoués par le sauvetage de quatre migrants qui voguaient dans une embarcation de fortune depuis cinq jours au large de la Libye”, confirme Pascal. Les quatre individus, qui se sont jetés à l’eau en voyant les gardes-côtes libyens, ont été remis entre les mains des autorités du dispositif Frontex.
Après huit jours de traversée, que l’on peut suivre en direct sur le site internet Vesselfinder, le Madleen (identifié sur Vesselfinder sous le nom de Barcarole) se rapproche de la bande de Gaza. Ses passagers sont prêts à tout pour livrer leurs marchandises.
"Nous resterons mobilisés jusqu'à la dernière minute - jusqu'à ce qu'Israël coupe Internet et les réseaux", a déclaré Rima Hassan, jointe par l'AFP. L'eurodéputée appelle Emmanuel Macron et le ministère des Affaires Etrangères, via ses réseaux sociaux, à ouvrir "de toute urgence un corridor maritime pour livrer l’aide humanitaire", alors que le navire devrait arriver à Gaza d'ici quelques heures. .