Depuis l'an passé, Karim Mohamed-Aggad, fiché S et frère d’un des auteurs de la tuerie du Bataclan, est assigné à résidence à Lure (Haute-Saône) suscitant l’angoisse des habitants. Il attend son expulsion mais la mesure d’éloignement peine à aboutir. Explications.
En ce mardi 11 février au matin, Eric Houlley, maire de Lure, enchaîne les interviews au micro des radios nationales Cnews, RTL, Europe 1. Toutefois, l’édile se serait bien passé de cette publicité.
Depuis juin 2024, Karim Mohamed-Aggad, frère de Foued Mohamed-Aggad, un des auteurs de l’attentat du Bataclan en 2015, est assigné à résidence à Lure, commune de 8 000 habitants, en attendant son expulsion du territoire français. Problème : pour l’heure, ni l’Algérie ni le Maroc, pays dont son père et sa mère sont originaires, ne souhaite l’accueillir. “Depuis que sa présence se sait via les réseaux sociaux, j’ai des remontés d’habitants qui expriment leur angoisse, leur inquiétude par rapport au profil de cette personne” , réagit Eric Houlley maire socialiste de Lure, au micro d'Emmanuel Deshayes.
Frère d’un djihadiste du Bataclan
Effectivement en ce jour de marché à Lure (Haute-Saône), les habitants nombreux expriment leur crainte à notre équipe de journalistes. “C’est vrai que j’ai peur et je suis inquiète. On vit en permanence dans le stress. Lure est une petite ville, on aime notre tranquillité”. Le maire de Lure a été averti de la venue de M. Aggad en juin dernier.
Le préfet m’a demandé discrétion et il s’est engagé à trouver une solution rapidement. Discrétion, j’en ai fait preuve. Solution très rapide du côté de l’État, j’attends toujours.
Eric Houlley, maire socialiste de Lure
Karim Mohamed-Aggad, 34 ans, est le frère de Foued Mohamed-Aggad, l'un des terroristes du Bataclan, mort lors de l'attentat du 13 novembre 2015 à Paris.
Fiché S, il avait été condamné en mai 2017 par la cour d'appel de Paris à neuf ans de prison pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste", après avoir passé plusieurs mois en Syrie en 2013 et 2014. Après avoir purgé sa peine, il a de nouveau été condamné à six mois de prison pour le non-respect des mesures de surveillance qui lui étaient imposées.
J’étais étonnée de voir qu’on abritait des gens qui nous font peur. Depuis que je sais, je ne me sens plus en sécurité. Ces gens-là, on ne devrait pas les retrouver parmi nous.
Une habitante de Lure
Un autre habitant est plus mesuré : “Il faut laisser les gens, c’est un être humain, il a des droits lui aussi”.
En novembre 2023, Elisabeth Borne, alors premier ministre, le fait déchoir de sa nationalité. Karim Mohamed-Aggad est alors placé au centre de rétention administrative de Metz et depuis fin juin 2024, il est assigné à résidence à Lure par arrêté du ministre de l'Intérieur d’aujourd’hui.
“L’État doit rassurer, l’État doit protéger, l’État doit décider”
De père algérien et de mère marocaine, la mesure d'éloignement le visant n'a pour l’heure pas abouti. En effet, ni l'Algérie ni le Maroc n'ont délivré à ce jour le laissez-passer consulaire indispensable à son expulsion.
Qu’il y ait des problèmes liés à l’Etat de droit, je l’entends, [...] pour autant le bon sens conduisait à organiser quand même une rotation territoriale et une surveillance évidemment étroite d’un personnage qui a quand même des antécédents qui posent question.
Eric Houlley, maire de Lure
Trois fois par jour Karim Mohamed-Aggad pointe à la gendarmerie de Lure. Mais cette mesure n’apaise pas les habitants. Face à la crainte que peut susciter un tel profil, le maire de Lure en appel à l'État. Un appel auquel a répondu le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, lors d’un déplacement à Strasbourg.
" On doit changer les règles de droit. Je suis pour un État de droit mais l'état du droit, actuellement, est en train de nous paralyser. C'est pour ça que je plaide auprès de la Commission (européenne) pour changer la politique retour, la politique des éloignements".
Notre équipe de journalistes a pu rencontrer Karim Mohamed-Aggad. Celui-ci n’a pas voulu s’exprimer, ne souhaitant pas renchérir sur une situation déjà particulièrement tendue.