Dès 2006, un médecin psychiatre de l'hôpital de Quimperlé avait tiré la sonnette d’alarme sur Joël Le Scouarnec. Il avait tout tenté pour alerter sa hiérarchie. Ce mardi 13 mai 2025, il témoigne à la barre du tribunal de Vannes.
Printemps 2006. Le docteur Thierry Bonvalot découvre dans la presse locale une information qui le glace : Joël Le Scouarnec, chirurgien dans le même hôpital que lui, a été condamné pour détention d’images pédopornographiques.
Depuis, Joël Le Scouarnec est considéré comme l'un des pires pédocriminel Français. Lors de son procès qui se tient actuellement à Vannes, l'ancien chirurgien a reconnu plus de 300 agressions sexuelles et viols sur des enfants.
À l’époque, Thierry Bonvalot est psychiatre et préside la commission médicale d’établissement de l’hôpital de Quimperlé (Finistère). Il commence à observer le comportement de son collègue. Et très vite, les signaux dangereux qu’il observe se multiplient.
"Un festival de métaphores sexuelles"
Il raconte une scène saisissante dans un entretien au Quotidien du médecin le 12 mars 2020 : "Quand je l’ai interrogé sur une opération qui s’était mal passée, il s’est vautré dans une revendication ultra-perverse… Il m’a carrément décrit ses gestes opératoires comme une relation sexuelle violente."
Le Dr Le Scouarnec était alors alcoolisé. Le docteur Bonvalot n’a plus de doute : "Cet homme m’a livré à nu son visage de pervers à l’état pur."
Pour lui une certitude : "Les signes cliniques ne me laissaient aucun doute quant à sa dangerosité".
Une lettre restée sans effet
Le psychiatre rédige le 14 juin 2006 une lettre à la direction de l’hôpital. Il y note ses "réflexions" sur la situation du chirurgien. Il écrit noir sur blanc :
"Je m’interroge sur la capacité du docteur Le Scouarnec à garder toute sa sérénité lorsqu’il intervient auprès de jeunes patients."
Il évoque aussi un grave échec lors d’une opération sur un enfant. Et la façon choquante dont Le Scouarnec avait défendu un confrère... plus tard condamné à 18 ans de prison pour viols.
Des documents importants révélés par une enquête de la cellule investigation de Radio France.
Silence administratif
Malgré l’alerte, peu de choses bougent. L’ordre des médecins convoque bien Joël Le Scouarnec. L’hôpital promet qu’il sera désormais accompagné lors de ses consultations avec des mineurs.
Mais aucune enquête n’est menée. Et aucune mesure disciplinaire n’est prise.
Thierry Bonvalot insiste dans son entretien au journal, Le quotidien du médecin : "Le Dr Le Bras, anesthésiste et aussi maire de Quimperlé, m’a par la suite déclaré qu’une surveillance serait assurée. Je lui réponds qu’aucune surveillance ne donnerait de garanties contre les agissements d’un tel pervers."
Un gâchis et des regrets
Le directeur de l’hôpital, aujourd’hui décédé, envoie une note à la DDASS. Il y reconnaît la condamnation du chirurgien. Mais vante aussi son professionnalisme et son implication dans la vie de l’établissement.
Thierry Bonvalot s’indigne. Il tente encore de se faire entendre lors d’une réunion en 2007. Sans succès.
"J’étais sûr de moi à 100 %. Je m’étais mouillé un maximum. Depuis, cette histoire ne m’a jamais quitté." avoue t-il.
Pour ce psychiatre spécialisé en criminologie, la dangerosité de Joël Le Scouarnec ne faisait aucun doute. Mais son signalement est resté lettre morte.